samedi 1 février 2014

L'OMBRE DU BOURREAU INTÉGRALE 1/2 - GENE WOLFE


LECTURE DANS LE CADRE DU DÉFI 





TOME 1/2

Cloîtré depuis l'enfance entre les murs austères de la tour Matachine, l'apprenti bourreau Sévérian ignore tout des ruelles bruissantes de Nessus et, au-delà, des merveilles et dangers de la planète Teur... jusqu'au jour de son bannissement. Car l'amour que lui inspire la trop belle Thècle, condamnée à la question, l'amène à trahir ses maîtres. Exilé dans une lointaine province, c'est seulement armé de son étrange épée — Terminus Est — qu'il devra affronter son destin.

Naviguant entre fantasy et science-fiction, L'Ombre du bourreau (ou Livre du Nouveau Soleil) est une des quêtes initiatiques les plus originales et inventives jamais écrites.

Ma définition de la bonne littérature, c’est qu’elle peut être appréciée par un lecteur exigeant et relue avec davantage de plaisir.
Gene WOLFE



L'AUTEUR

Gene wolfe est un écrivain américain de Science-Fiction et de Fantasy né le 7 mai 1931 à Brooklyn (New York).

Il est connu pour son écriture très riche et pour l'influence de sa foi catholique sur ses écrits. Ses œuvres, romans comme nouvelles, ont été nominées a de nombreuses reprises.

WOLFE se lance dans une carrière d’ingénieur, qu’il poursuivra seize ans, avant de se convertir au journalisme spécialisé pour le magazine Plant Engineering.

Gene WOLFE avait déjà écrit des textes courts, mais il envisage de vendre ses écrits seulement en 1956, quand, jeune marié, il en espère quelques revenus. Il lui faudra cependant attendre 1965 pour vendre sa première nouvelle, "The Dead Man" au magazine Sir.


Dans les années 70, WOLFE se montre prolifique, abreuvant les magazines spécialisés de nouvelles souvent audacieuses, qui vont asseoir sa réputation. Il publiera ainsi plus de 250 nouvelles. Son style recherché, parfois hermétique, souvent difficile, lui vaut l’admiration de lecteurs exigeants et une réputation inégalable chez les critiques. 

Dans les années 80, WOLFE s’attaque à ce qui deviendra son œuvre la plus célèbre aux Etats-Unis, The Book of the New Sun (Le livre du Nouveau Soleil), une tétralogie de science-fiction messianique aux pourtours si complexes que l’auteur lui a donné depuis une dizaine de suites.
Gene WOLFE compte aujourd’hui, notamment, trois World Fantasy Awards, deux Nebulas, et huit nominations aux Hugos mais sans prix. Parmi ses dernières œuvres le Chevalier- Mage publié en 2006, et le Soldat des Brumes primé par un World Fantasy Award en 2007, qui met un point final à la trilogie Soldier of Sidon débutée en 1986 par le roman éponyme.




Le cycle du bourreau Sévérian est communément considéré comme l'une des plus éclatantes réussites de Gene Wolfe, si ce n'est son chef d’œuvre. Ce tome regroupe la version la plus complète du cycle Livre du Nouveau soleil de Teur. Cette œuvre composée de deux volumes de plus de mille pages chacun, regroupe en plus des cinq romans, deux nouvelles déjà, elles aussi publiées en France ; on y trouve également trois nouvelles inédites et un recueil d'essai.


Ce premier tome, regroupe les textes ci-après mentionnés :

L'Ombre du bourreau déjà publié en 1982,
La griffe du demi-dieu, également paru en 1982,
L'épée du Licteur, sorti en 1983. 



Pourquoi aborder un nouveau cycle est-il toujours un aussi grand bonheur ?...
Parce que dans le domaine de la Littérature, la quantité exige aussi la qualité. Gene Wolfe est un des grands de l'écriture, et ses capacités de création étonneront et fascineront tout amateur du genre. La Fantasy retrouve ses lettres de noblesse, celles qui sont envoyées aux confins de l'univers, et plonge dans une étrange Science-Fantasy, empreinte de médiévisme et d'anachronismes, tout à fait non habituelle.

Si Gene Wolfe marie les styles, il en tire des romans riches aux personnages psychologiquement complexes, vivant dans une société aux passés étrangement oubliés et lointains, ainsi qu'à l'avenir pré-dessiné. Sévérian, bourreau de la tristement célèbre Tour Matachine, quitte sa guilde et les siens pour nous offrir un extraordinaire voyage initiatique.
Une histoire basée sur la célèbre recette de l'apprenti mais qui reste originale et palpitante, peut-être un peu trop dans le détails dans certains passages ; mais peut-on s'en plaindre ?
Dès la première phrase, impossible de ne pas être frappé par l'écriture de Gene Wolf. Assurément, son style est un style de haut niveau, parsemé d'un vocabulaire d'une grande richesse et de phrases à la tournure travaillée ; cependant il est clair également que cela ne peut pas plaire à tout le monde.
L'œuvre est dotée d'un univers original et particulièrement travaillé. Ainsi, dans une ambiance à mi-chemin entre la fantasy et la science-fiction, on naviguera sur Teur, planète en lente perdition sous son soleil vieillissant, un monde désenchanté où la violence constitue le lot ordinaire tout en chacun, si percutante, si déshumanisée, et pourtant si belle.
Assurément, avoir construit une société où la torture et la peine de mort, sur d'éventuels innocents et par obéissance aveugle aux juges, constitue un pilier central est un moyen de se démarquer des mondes utopistes de bien d'autres écrits.
Ce roman c'est l’histoire de Severian, jeune apprenti de l’ordre des Enquêteurs de vérité et des exécuteurs de Pénitence. Le récit est ici à la première personne, rédigé par Severian alors qu’il est devenu adulte et apparemment éminemment puissant ; l’homme revient sur son passé avec une facilité déconcertante, comme si le temps n’avait aucune emprise sur ses souvenirs. En plus de talents très développés, notre bourreau est selon lui affublé d'une mémoire eidétique qui lui permet de se souvenir de son passé avec une netteté et une acuité hors du commun. Ainsi son récit est toujours très détaillé, plein d'anecdotes et de descriptions poussées sur ses rêves, conversations... à tel point que ce luxe de détails tend à se rapprocher parfois de l'absurde, bien qu'il jure de ne retenir que les moments les plus significatifs de son passé. Alors le lecteur joue le jeu, lit avec attention les descriptions de Severian tout en s’étonnant parfois de certaines ellipses curieuses. Le bourreau serait-il finalement tout à fait honnête dans sa manière de rapporter les faits ?
Apprenti prometteur, Séverian ne connaît presque rien du monde qui l'entoure, si ce n'est l'immense tour Matachine, un univers restreint duquel il s'échappe par l'esprit en s'imaginant la vie au-delà de la citadelle.
Près de la fin de son apprentissage, il croise le destin d'une jeune noble dont la sœur a trahi le pouvoir en place. Un grain de sable qui met à mal le parfait édifice de son conditionnement. En effet, au moment fatidique le jeune bourreau, devenu compagnon, commet l'irréparable incapable d'accepter la souffrance de celle qu'il a appris à aimer. Malgré son geste inconsidéré, ses maîtres magnanimes, ne le condamne qu'à l'exil, ainsi commence ses véritables,aventures.
Au cours du voyage vers Thrax se révélé la personnalité complexe et torturé du jeune-homme, peu honnête et peu engageante. En effet, pour de justifier de ses actes, il met en avant son conditionnement pour s'en dédouaner oublieux de mentionner ses entorses à la déontologie lorsqu'elle entre en conflit avec ses intérêts. Comme c'est lui qui mène la narration, il tente de cacher ses facettes peu reluisantes, mais malheureusement ses actes parlent d'eux-mêmes. 

Si l'on peut considérer une planète comme un personnage à part entière, il est temps de s'intéresser à Teur. Teur, c'est notre terre. Une terre perdue dans un futur indéterminé dont l'humanité n'a plus souvenir de son glorieux passé technologique. Un terre où le soleil se meurt et conduit donc la planète à la mort irrémédiable. Une terre épuisée de ses ressources naturelles. C’est à travers les débris de ce glorieux passé, que l’on ne fait plus revivre qu’à travers les mythes, qu’évolue Severian. Au fil de ses pérégrinations, on découvre la société archaïque et très hiérarchique de Teur, sa géographie torturée et dans une certaine mesure les conflits qui la rongent encore.
L'histoire est complexe, on ne sait pas si on se trouve dans un passé qui nous évoque un peu notre moyen-âge mais dans lequel se trouve des réminiscences d'une société technologiquement avancée. Pas de réponses évidentes proposées par l'auteur ; pas de manichéisme non plus dans ce roman, même si l'on sent que le héros Sévérian a un rôle clef dans ce monde, son évolution est tortueuse, sa psychologie est complexe ; d'ailleurs avoir choisi comme héros un apprenti-bourreau qui essaie d'exceller dans son art montre l’ambiguïté de la plupart des protagonistes de cette œuvre.
Au fil des pages, de nombreux personnages croiseront, quitteront de manière plus ou moins brutale et parfois croiseront à nouveau le chemin de Sévérian. Chacun de ces protagonistes apparaîtra avec sa personnalité propre, ses mystères et sa mentalité, et on s'ébahira devant le soin avec lequel ils ont été créés et mis en scène. Des personnages qui peuvent, toutefois, apparaître terne face aux pensées du héros qui tendent à prendre toute la place, tant il est pourvu d'une psychologie difficile à cerner, dépourvu de convictions à défendre ; et qui selon les points de vue des lecteurs pourra apparaître comme lâche ou comme un héros.
Quant à l'intrigue, elle se fait hésitante et tardive mais on peut attribuer cela au fait que ce roman est présenté comme les mémoires de Sévérian, or la vie de la plupart des hommes est bien peu prévisible et il est donc difficile, voire impossible de proposer dans telles conditions un véritable scénario suivi, dont on attendrait le but final avec impatience. Toutefois, il faut mettre le lecteur en garde quant à l'ambiance malsaine qui imprègne ce roman. L’Ombre du bourreau est une œuvre réservée aux adultes avertis. De toute manière, il semble presque impossible que les jeunes puissent apprécier la saveur d'un style aussi complexe.











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