LECTURE DANS LE CADRE DU DÉFI
TOME
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Cloîtré
depuis l'enfance entre les murs austères de la tour Matachine,
l'apprenti bourreau Sévérian ignore tout des ruelles bruissantes de
Nessus et, au-delà, des merveilles et dangers de la planète Teur...
jusqu'au jour de son bannissement. Car l'amour que lui inspire la
trop belle Thècle, condamnée à la question, l'amène à trahir ses
maîtres. Exilé dans une lointaine province, c'est seulement armé
de son étrange épée — Terminus Est — qu'il devra
affronter son destin.
Naviguant
entre fantasy et science-fiction, L'Ombre du
bourreau (ou Livre du Nouveau Soleil) est une des quêtes
initiatiques les plus originales et inventives jamais écrites.
Ma
définition de la bonne littérature, c’est qu’elle peut être
appréciée par un lecteur exigeant et relue avec davantage de
plaisir.
Gene
WOLFE
L'AUTEUR
Gene
wolfe est un écrivain américain de Science-Fiction et de Fantasy né
le 7 mai 1931 à Brooklyn (New York).
Il
est connu pour son écriture très riche et pour l'influence de sa
foi catholique sur ses écrits. Ses œuvres, romans comme nouvelles,
ont été nominées a de nombreuses reprises.
WOLFE
se lance dans une carrière d’ingénieur, qu’il poursuivra seize
ans, avant de se convertir au journalisme spécialisé pour le
magazine Plant Engineering.
Gene
WOLFE avait déjà écrit des textes courts, mais il envisage de
vendre ses écrits seulement en 1956, quand, jeune marié, il en
espère quelques revenus. Il lui faudra cependant attendre 1965 pour
vendre sa première nouvelle, "The Dead Man" au
magazine Sir.
Dans
les années 70, WOLFE se montre prolifique, abreuvant les magazines
spécialisés de nouvelles souvent audacieuses, qui vont asseoir sa
réputation. Il publiera ainsi plus de 250 nouvelles. Son style
recherché, parfois hermétique, souvent difficile, lui vaut
l’admiration de lecteurs exigeants et une réputation inégalable
chez les critiques.
Dans
les années 80, WOLFE s’attaque à ce qui deviendra son œuvre la
plus célèbre aux Etats-Unis, The Book of the New Sun (Le
livre du Nouveau Soleil), une tétralogie de science-fiction
messianique aux pourtours si complexes que l’auteur lui a donné
depuis une dizaine de suites.
Gene
WOLFE compte aujourd’hui, notamment, trois World Fantasy Awards,
deux Nebulas, et huit nominations aux Hugos mais sans prix. Parmi ses
dernières œuvres le Chevalier- Mage publié en 2006, et le
Soldat des Brumes primé par un World Fantasy Award en 2007,
qui met un point final à la trilogie Soldier of Sidon débutée
en 1986 par le roman éponyme.
Le
cycle du bourreau Sévérian est communément considéré comme l'une
des plus éclatantes réussites de Gene Wolfe, si ce n'est son chef
d’œuvre. Ce tome regroupe la version la plus complète du cycle
Livre du Nouveau soleil de Teur. Cette œuvre composée de deux
volumes de plus de mille pages chacun, regroupe en plus des cinq
romans, deux nouvelles déjà, elles aussi publiées en France ;
on y trouve également trois nouvelles inédites et un recueil
d'essai.
Ce
premier tome, regroupe les textes ci-après mentionnés :
L'Ombre
du bourreau déjà publié
en 1982,
La
griffe du demi-dieu, également paru en 1982,
L'épée
du Licteur, sorti en 1983.
Pourquoi
aborder un nouveau cycle est-il toujours un aussi grand bonheur ?...
Parce
que dans le domaine de la Littérature, la quantité exige aussi la
qualité. Gene Wolfe est un des grands de l'écriture, et ses
capacités de création étonneront et fascineront tout amateur du
genre. La Fantasy retrouve ses lettres de noblesse, celles qui sont
envoyées aux confins de l'univers, et plonge dans une étrange
Science-Fantasy, empreinte de médiévisme et d'anachronismes, tout à
fait non habituelle.
Si Gene Wolfe marie les styles, il en tire des romans riches aux personnages psychologiquement complexes, vivant dans une société aux passés étrangement oubliés et lointains, ainsi qu'à l'avenir pré-dessiné. Sévérian, bourreau de la tristement célèbre Tour Matachine, quitte sa guilde et les siens pour nous offrir un extraordinaire voyage initiatique.
Si Gene Wolfe marie les styles, il en tire des romans riches aux personnages psychologiquement complexes, vivant dans une société aux passés étrangement oubliés et lointains, ainsi qu'à l'avenir pré-dessiné. Sévérian, bourreau de la tristement célèbre Tour Matachine, quitte sa guilde et les siens pour nous offrir un extraordinaire voyage initiatique.
Une
histoire basée sur la célèbre recette de l'apprenti mais qui reste
originale et palpitante, peut-être un peu trop dans le détails
dans certains passages ; mais peut-on s'en plaindre ?
Dès
la première phrase, impossible de ne pas être frappé par
l'écriture de Gene Wolf. Assurément, son style est un style de haut
niveau, parsemé d'un vocabulaire d'une grande richesse et de phrases
à la tournure travaillée ; cependant il est clair également que
cela ne peut pas plaire à tout le monde.
L'œuvre
est dotée d'un univers original et particulièrement travaillé.
Ainsi, dans une ambiance à mi-chemin entre la fantasy et la
science-fiction, on naviguera sur Teur, planète en lente perdition
sous son soleil vieillissant, un monde désenchanté où la violence
constitue le lot ordinaire tout en chacun, si percutante, si
déshumanisée, et pourtant si belle.
Assurément,
avoir construit une société où la torture et la peine de mort, sur
d'éventuels innocents et par obéissance aveugle aux juges,
constitue un pilier central est un moyen de se démarquer des mondes
utopistes de bien d'autres écrits.
Ce
roman c'est l’histoire de Severian, jeune apprenti de l’ordre des
Enquêteurs de vérité et des exécuteurs de Pénitence. Le récit
est ici à la première personne, rédigé par Severian alors qu’il
est devenu adulte et apparemment éminemment puissant ; l’homme
revient sur son passé avec une facilité déconcertante, comme si le
temps n’avait aucune emprise sur ses souvenirs. En plus de talents
très développés, notre bourreau est selon lui affublé d'une
mémoire eidétique qui lui permet de se souvenir de son passé avec
une netteté et une acuité hors du commun. Ainsi son récit est
toujours très détaillé, plein d'anecdotes et de descriptions
poussées sur ses rêves, conversations... à tel point que ce luxe
de détails tend à se rapprocher parfois de l'absurde, bien qu'il
jure de ne retenir que les moments les plus significatifs de son
passé. Alors le lecteur joue le jeu, lit avec attention les
descriptions de Severian tout en s’étonnant parfois de certaines
ellipses curieuses. Le bourreau serait-il finalement tout à fait
honnête dans sa manière de rapporter les faits ?
Apprenti
prometteur, Séverian ne connaît presque rien du monde qui
l'entoure, si ce n'est l'immense tour Matachine, un univers restreint
duquel il s'échappe par l'esprit en s'imaginant la vie au-delà de
la citadelle.
Près
de la fin de son apprentissage, il croise le destin d'une jeune noble
dont la sœur a trahi le pouvoir en place. Un grain de sable qui met
à mal le parfait édifice de son conditionnement. En effet, au
moment fatidique le jeune bourreau, devenu compagnon, commet
l'irréparable incapable d'accepter la souffrance de celle qu'il a
appris à aimer. Malgré son geste inconsidéré, ses maîtres
magnanimes, ne le condamne qu'à l'exil, ainsi commence ses
véritables,aventures.
Au
cours du voyage vers Thrax se révélé la personnalité complexe et
torturé du jeune-homme, peu honnête et peu engageante. En effet,
pour de justifier de ses actes, il met en avant son conditionnement
pour s'en dédouaner oublieux de mentionner ses entorses à la
déontologie lorsqu'elle entre en conflit avec ses intérêts. Comme
c'est lui qui mène la narration, il tente de cacher ses facettes peu
reluisantes, mais malheureusement ses actes parlent d'eux-mêmes.
Si
l'on peut considérer une planète comme un personnage à part
entière, il est temps de s'intéresser à Teur. Teur, c'est notre
terre. Une terre perdue dans un futur indéterminé dont l'humanité
n'a plus souvenir de son glorieux passé technologique. Un terre où
le soleil se meurt et conduit donc la planète à la mort
irrémédiable. Une terre épuisée de ses ressources naturelles.
C’est à travers les débris de ce glorieux passé, que l’on ne
fait plus revivre qu’à travers les mythes, qu’évolue Severian.
Au fil de ses pérégrinations, on découvre la société archaïque
et très hiérarchique de Teur, sa géographie torturée et dans une
certaine mesure les conflits qui la
rongent encore.
L'histoire
est complexe, on ne sait pas si on se trouve dans un passé qui nous
évoque un peu notre moyen-âge mais dans lequel se trouve des
réminiscences d'une société technologiquement avancée. Pas de
réponses évidentes proposées par l'auteur ; pas de manichéisme
non plus dans ce roman, même si l'on sent que le héros Sévérian a
un rôle clef dans ce monde, son évolution est tortueuse, sa
psychologie est complexe ; d'ailleurs avoir choisi comme héros un
apprenti-bourreau qui essaie d'exceller dans son art montre
l’ambiguïté de la plupart des protagonistes de cette œuvre.
Au
fil des pages, de nombreux personnages croiseront, quitteront de
manière plus ou moins brutale et parfois croiseront à nouveau le
chemin de Sévérian. Chacun de ces protagonistes apparaîtra avec sa
personnalité propre, ses mystères et sa mentalité, et on s'ébahira
devant le soin avec lequel ils ont été créés et mis en scène.
Des personnages qui peuvent, toutefois, apparaître terne face aux
pensées du héros qui tendent à prendre toute la place, tant il est
pourvu d'une psychologie difficile à cerner, dépourvu de
convictions à défendre ; et qui selon les points de vue des
lecteurs pourra apparaître comme lâche ou comme un héros.
Quant
à l'intrigue, elle se fait hésitante et tardive mais on peut
attribuer cela au fait que ce roman est présenté comme les mémoires
de Sévérian, or la vie de la plupart des hommes est bien peu
prévisible et il est donc difficile, voire impossible de proposer
dans telles conditions un véritable scénario suivi, dont on
attendrait le but final avec impatience. Toutefois, il faut mettre le
lecteur en garde quant à l'ambiance malsaine qui imprègne ce roman.
L’Ombre
du bourreau
est une œuvre réservée aux adultes avertis. De toute manière, il
semble presque impossible que les jeunes puissent apprécier la
saveur d'un style aussi complexe.
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