lundi 12 mai 2014

L'OMBRE DU POUVOIR - FABIEN CERRUTI




Le chevalier assassin, Pierre Cordwain de Kosigan, dirige une compagnie de mercenaires d’élite triés sur le volet. Surnommé le « Bâtard », exilé d’une puissante lignée bourguignonne et pourchassé par les siens, il met ses hommes, ses pouvoirs et son art de la manipulation au service des plus grandes maisons d’Europe.
En ce mois de novembre 1339, sa présence en Champagne, dernier fief des princesses elfiques d’Aëlenwil, en inquiète plus d’un. De tournois officiels en actions diplomatiques, de la boue des bas fonds jusqu’au lit des princesses, chacun de ses actes semble servir un but précis.
À l’évidence, un plan de grande envergure se dissimule derrière ces manigances. Mais bien malin qui pourra déterminer lequel…


Pourquoi un tel choix de lecture ? Comme à mon habitude en parcourant les sorties littéraires sur Noosfere, j'ai de suite été intrigué par le titre mais également par le nom de l'auteur que je ne connaissais pas. Je me suis ensuite rendu sur un site de vente en ligne, dont je tairais le nom et tout de suite la couverture m'a attiré : un portrait tel que l'on trouve dans de vieux châteaux décrépit ou vieux manoirs ancestraux pas toujours connus et qui à leurs façons narrent des pages inconnues de notre Histoire. Et sans même lire le résumé, un clic et j'avais commandé l'ouvrage.
Mais qui est donc ce nouvel auteur qui m'était inconnu ? Et c'est là que je menais ma petite enquête et le résultat ne se fit guère attendre pour découvrir les références en fantasy de Fabien Cerruti. C'est ainsi que je découvrit la source du roman : Neverwinter Nights. Ayant abandonné les jeux de rôle depuis plus d'une décennie et notamment l'univers précédemment nommé où six aventures dans l'univers du bâtard de Kosigan sont déjà parues et figurent dans le top dix des meilleurs scénarios.

Dans la lignée des meilleurs romans de fantasy historique, Le Bâtard de Kosigan mélange avec brio la fantasy et l'histoire. Dans un récit double, l'auteur nous conte une aventure pleines de surprises. Le récit se déroule donc sur deux époques : une première époque située dans un Moyen-âge épique et une seconde époque qui se déroule dans l'Europe du XIXème siècle où un archéologue aventurier, va sur les traces de son aïeul, aller de découverte en découverte. La première est la plus importante et nous fait vivre une aventure de Pierre de Kosigan, ce personnage énigmatique et manipulateur qui utilise tout son talent pour obtenir des informations capitales pour les plus grandes maisons d'Europe. Dans cette majeure partie de l'histoire, l'auteur nous entraîne dans une Champagne uchronique du XIVème siècle où il m^éle habilement des noms connus de l'Histoire de France à des créatures féeriques qui côtoient les hommes malgré la pression de l'Inquisition qui cherche à les éradiquer.

L'auteur nous offre un univers crédible de fantasy historique uchronique très riche en détails historiques : sur fond de rivalités entre Angleterre, France et Bourgogne, l'auteur nous rappelle quelques noms connus de l’histoire de France. Une Histoire où les meilleures intrigues sont souvent présentes, et quand l'Imaginaire rajoute son grain de sel, ce n'en n'est que plus épicé. La présence des peuples anciens apporte vraiment quelque chose puisqu’elle décide de deux idéologies raciales au minimum, ceux qui sont pour, et ceux qui sont contre l’existence de ces êtres.
Le Bâtard de Kosigan c'est avant tout un univers crédible ancré dans une ère politique trouble de notre Histoire de France, les débuts de la guerre de Cent Ans. Un univers agrémenté de magie ancienne et de peuples féerique ; une alliance d'historique et de fantasy qui fonctionne à merveille, l'auteur ayant su faire du féerique un élément de mystère, un élément du scénario qui offre au lecteur une histoire dans l'Histoire. En effet, dans notre Histoire de France, l'auteur nous offre une faille temporelle où les personnages factices côtoient Édouard d'Angleterre, Guillaume le Maréchal... Un univers où le féerique se place en toile de fond. Un univers que le héros dans son journal nous décrit un monde moyen--âgeux bien éloigné de ce que nous pouvons imaginer, un monde complexe où les uns veulent le pouvoir, ou d'autres veulent vivre et préserver leur liberté. On sent l'auteur passionné par cette période de l'Histoire et il arrive à créer une ambiance confortable dans ce siècle féodal de combats, de mariages arrangés, d'alliances... Un monde où la magie faiblement présente est remarquablement dosée, avec une telle justesse que l'on ne croirait pas lire une fantasy classique, mais un roman historique où les combats sont décrits avec précision sans surjouer.



C'est dans cette France en proie à une multitudes de conflits religieux, ethniques et politique que le Bâtard de Kosigan une carrière plus que florissante, qui lui vaut une double réputation de professionnel fiable et de coureur de jupon redoutable et redouté. D’un contrat à l’autre, ses allégeances changent, faisant découvrir au lecteur les turpitudes de chaque camp, le mettant bien en peine de séparer le bon grain de l’ivraie… Pierre Cordwain de Kosigan est de noble ascendance, mais il n’est pas né du bon côté des draps. Bâtard d’une riche et prestigieuse famille, il a été contraint à l’exil à la mort de son père, pour échapper aux accusations et à la haine. Personnage malin, retors, calculateur, le voilà devenu chevalier assassin à la tête d’une troupe de mercenaires redoutables aux multiples talents. Un mercenaire, qui, grand amateur de batailles et de joute, qui garde tout de même un côté chevaleresque. Pierre n'est ni quelqu'un de bon et généreux, ni quelqu'un de mauvais et de sadique, c'est avant tout un humain comme les autres avec ses forces et ses faiblesses et qui sait équilibrer ses décisions et réactions en tentant de réfléchir d'abord aux conséquences. Et des problèmes, il va en rencontrer beaucoup, mais le destin va souvent l'épauler ainsi que des personnes intervenant au bon moment. Le roman propose donc des personnages secondaires qui ont de l'épaisseur, plutôt sympathiques, que ce soit aussi bien les personnages réels que les personnages fantastiques.

De par sa personnalité et malgré que sa personnalité ait besoin de quelques développements le personnage central constitue le point fort de ce premier tome de par son côté mystérieux. En effet, il suscite beaucoup de questions, on sent qu'il a des objectifs à atteindre, on pense qu'il sert quelqu'un, on sait qu'il est mercenaire mais au final, qui sert-il ? Par ailleurs, la narration à la première personne renforce le sentiment d’empathie du lecteur et permet de rentrer facilement dans le récit aux côtés du chevalier.

En parallèle de l'intrigue principale bien plus compliquée qu'elle paraît au prime abord, nous invite comme nous l'avons vu précédemment à suivre une intrigue parallèle qui se déroule quelques siècles plus tard et c'est assez étrange de suivre les aventures d'un héros dans l'exercice de ses fonctions de capitaine de mercenaires et par moment l'enquête de l'un de ses descendants. Une enquête qui malheureusement, même si on finit par s'y habituer, coupe le souffle et le rythme de l'ensemble et dont l'importance n'est pas flagrante.

Malgré ce tout petit défaut l'action est au rendez-vous avec des chevaliers musclés et des intrigues menées de main de maître par notre héros. Pour le plus grand plaisir du lecteur, qui en redemande et s’immerge dans cet univers avec délices, l'auteur ne se prive pas de rebondissements, cachotteries et autres renversements de situations. L'histoire se lit assez vite et est rythmé par des chapitres courts. Les descriptions ne sont pas de trop, et servent bien l'ambiance. On peut toutefois regretter que, si les scènes de combat sont rendues avec un grand réalisme, notamment les phases du Tournoi, le livre manque par moments de descriptions plus approfondies pour mieux se représenter certains lieux. Ces précisions permettraient de mieux planter le décor et d’enrichir le monde prometteur posé par l’auteur. 

Le style fluide,épuré et volontairement direct de l'auteur va à l'essentiel sans s'embarrasser de fioritures sert à merveille la personnalité de notre héros tout en soulignant son panache et celui de sa bande. Un style agréable, malgré parfois des scènes violents, qui sert un roman qui ne s'enterre pas dans le glauque que cette époque a pu produire. Une manière assez classe et sobre à l'image de la couverture. L'écrivain fait de son roman une œuvre qui m'a rappelé les meilleures histoire de capes et d'épées. Kosigan est un personnage unique, roublard, intelligent, fort mais très humain, bref haut en couleur. C'est à une Fantasy historique documentée et à l'intrigue passionnante que nous avons affaire ici,on sent l'auteur passionné par ce qu'il écrit et décrit. 

Dans un contexte historique qui favorise les intrigues, l'auteur nous cache volontairement les projets de son héros, cette manière de procéder fait toute l'originalité du roman. Malgré quelques petites maladresses le Bâtard de Kosigan se révèle un roman addictif avec un côté historique bien documenté, un héros charismatique, un scénario plein d'actions et de complots, un mystère parfaitement entretenu. Rôlistes, amateurs d'histoire ou lecteurs désireux de passer un bon moment, plongez vous sans attendre dans ce premier tome d'une série fort prometteuse.






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